Pluies diluviennes à Abidjan : l’eau monte à Cocody, la colère aussi
La pluie annoncée par la SODEXAM (Société d’Exploitation et de Développement Aéroportuaire, Aéronautique et Météorologique) le vendredi 14 juin dernier s’est effectivement abattue sur Abidjan, provoquant d’importantes inondations dans plusieurs communes, y compris la très prisée commune de Cocody. Pendant ce temps, le maire de Cocody, Jean-Marc Yacé, se trouve à des milliers de kilomètres, à Paris.
Officiellement, il y assiste à la cérémonie de graduation de son épouse, Yolande Yacé, fraîchement diplômée d’un Global Executive Master en Management Stratégique à HEC Paris. Un moment de fierté pour la famille Yacé qui contraste avec le climat d’angoisse vécu par nombre de ses administrés ce weekend à Abidjan.
Dans plusieurs zones de la commune, les images sont édifiantes. De la Riviera Palmeraie à la Riviera 3, des maisons sont inondées, des commerces ravagés, des véhicules sont emportés par la furie des eaux.
Alors que les appels à l’aide et les témoignages de détresse se multipliaient sur les réseaux sociaux, l’absence de réaction immédiate de la mairie a été vivement critiquée. Beaucoup dénoncent un manque de compassion, d’anticipation et surtout de présence, estimant que dans un tel moment, le premier magistrat de la commune aurait dû prioriser la situation d’urgence locale.
« Il est 23h20. M. Le maire de Cocody n’a pas eu 5 minutes pour ses administrés qui sont dans un enfer mouillé depuis ce matin. Une publication, une vidéo, une photo, une simple réaction nous ne méritons rien de sa part. Même pas un semblant d’annonces de retour d’urgence. La pluie et ses dégâts sont fidèles chaque année normalement on devrait avoir un protocole à activer pour notre commune. Mais rien. Même pas un adjoint pour parler en son nom ou faire semblant de gérer une cellule de crise pour l’occasion. Ah oui l’hacienda est devenu un aquarium c’est peut-être moins intéressant finalement. Prochaines municipales est là. », a denoncé Renée Stephanie Armstrong sur Facebook.
Face à la pression, la mairie de Cocody a fini par publier un communiqué intitulé : “Pluies abondantes à Abidjan : restons solidaires et vigilants.” L’intention de ce communiqué se voulait rassurante. Mais, loin d’apaiser, le message a attisé la frustration.
Certains internautes et influe,nceurs l’ont jugé froid, impersonnel, et déconnecté des réalités du terrain. D’autres y voient même une rédaction faite à partir d’une intelligence artificielle, tant le ton paraît formaté et standardisé. Plus problématique encore, la photo d’illustration utilisée – censée témoigner de la situation actuelle– ne serait pas actuelle, mais daterait d’au moins un an, selon plusieurs recoupements.
« Monsieur Jean-Marc Yacé, maire distant de Cocody, des amis à moi disent qu’ils ne sont pas satisfaits de votre post et que ça montre votre mépris pour ce que vit la population de Cocody ces jours-ci du fait des inondations… Caroline De Yancady dit que votre texte a écrit par l’IA et elle est partie vérifier, elle a eu raison… Cheick Abdul Kareem aussi à vérifié, il a même posté une partie de l’IA et dans la réponse à sa question, on dit que une grande partie de votre post est de l’IA… Alain Patrick Gbelia et Cecilia Djinthea, quant à eux ont cherché puis trouvé que la photo dans votre post est une photo partagée l’an dernier suite à des inondations et que vous auriez pu au moins, pour montrer que vous êtes aux faits de votre commune, poster une photo de cette année. Parce que vous n’avez aucun service sur le terrain pour vous en trouver, vous n’avez que téléchargé une photo de 2024 sur internet pour votre post… dommage », revèle sur sa page Facebook l’internaute Franck Bi Ballo Zoro qui poursuit en disant que : « Ce pourquoi vous avez élu, semble visiblement vous dépasser et comme quand on ne peut porter un bagage, il faut le déposer, c’est le moment… Ailleurs, cette erreur de com allait vous emporter mais bon, on est encore ici et donc on va subir la non maîtrise de la gestion des Affaires Publiques… Si tout un service de communication d’une mairie comme celle de Cocody, doit recourir à l’IA pour des messages de gestion de crise qui doivent sortir de soi, son ressenti, sa douleur, ses vœux, ses émotions… C’est qu’il y a problème. On dit au peuple ce qu’on ne pense pas. Comme ils mettent la pression sur moi là, faites un truc là-bas pour eux, ils vont me libérer, je suis en pleine télé-réalité de fête de diplôme là… dommage encore une fois. Pauvre Côte d’Ivoire et que dire de Cocody qui perd son prestige ».
Le communiqué de la mairie évoque tout de même la mise en place d’une équipe municipale spéciale sur le terrain, et rappelle l’ouverture d’une caserne de pompiers à Djorogobité.
Mais pour beaucoup, ces informations ne suffisent pas. En temps de crise, ce n’est pas seulement la logistique qui est attendue, c’est aussi – et surtout – une présence humaine, une écoute, une parole forte.
Cette affaire soulève des interrogations plus larges sur la préparation des communes face aux risques climatiques, mais aussi sur le rôle et les devoirs des élus en période de catastrophe. La communication de crise ne s’improvise pas. Elle se construit sur l’empathie, la transparence et l’action visible.
Aujourd’hui dimanche 15 juin, l’on observe que la pluie s’est calmée. Mais la colère, elle, gronde encore sur les réseaux sociaux.
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