Côte d’Ivoire: Toh Bi Irié Vincent et Assalé Tiémoko Antoine … une relève oui! Mais pas si sûre
Le jeudi 26 juin 2025, Vincent Toh Bi Irié et Tiemoko Antoine Assalé présentent AJUNA — Alliance pour la Justice, la Nation et l’Alternance. Ils déclenchent un signal fort : ils ne se préparent pas pour l’élection présidentielle d’octobre 2025, qu’ils estiment brouillée d’avance. Mais pour 2030, un horizon politique libéré des vieux carcans.
Ils savent que Gbagbo, à 85 ans, et Ouattara, à 88 ans en janvier 2030 soit à 10 mois cette autre présidentielle, n’auront ni la vitalité physique ni la force institutionnelle pour incarner des transitions crédibles. Leurs partis respectifs, PPA-CI et RHDP,paraissent affaiblis, usés par les querelles internes, l’absurde dynastie politique et l’absence de renouvellement clair.
La Côte d’Ivoire est à un tournant invisible : deux blocs traditionnels se tiennent encore en équilibre — les houphouëtistes, les gbagboïstes —, mais ces dinosaures finiront par sombrer. Comme vieux volumes fermés. C’est dans ce vide programmatique qu’AJUNA trace un nouvel itinéraire. Assalé et Toh Bi misent sur le long terme : justice sociale, éducation, livres et droits humains constitueront la base d’un nouveau contrat citoyen, renforcé par les institutions.
Ils le savent aussi : jeunesse ne rime pas forcément avec probité. Egotisme, népotisme, tribalisme, argentisme — plusieurs maladies politiques continuent de ronger les élites émergentes. Alors oui, la campagne 2025 est un échauffement ; le vrai défi sera moral et intellectuel. Parvenir à un tournant véritable en 2030, c’est rendre la politique une cause, pas un acquis personnel. Il ne suffit pas d’être jeune, il faut se forger une posture exemplaire. Aujourd’hui, AJUNA ne vend pas un rêve électoral. Mais un horizon de renouveau éthique, un pari sur la responsabilité des nouvelles générations qui devront, à leur tour, devenir vieillesse sans renoncer à leurs principes.
C’est là toute leur audace:
teinter la Côte d’Ivoire de leur propre écriture politique, jusque-là piétinée par leurs aînés. Un pari risqué, ambitieux, peut-être le seul capable de casser les schémas anciennement préprogrammés. 2030 sera leur moment. La question demeure : la jeunesse politique saura-t-elle se débarrasser de ses propres obsessions ? Toh Bi et Assalé ne doivent pas être si sûrs de leurs virginités. Ils n’ont pas encore commencé à nous intéresser vraiment.
Car les vieux — souvent stigmatisés à raison ou à tort comme les symptômes du mal africain — ne sont pas nés dictateurs. Ce sont les mécanismes de pouvoir tordus, l’obséquiosité des élites, le silence calculé des intellectuels, le conformisme religieux et l’apathie des couches civiles qui les ont progressivement sculptés en autocrates.
Ils ont vieilli dans des systèmes où personne ne leur a dit non, où chaque abus était rationalisé, chaque mandat prolongé sanctifié et suscité par les jeunes eux-mêmes.
Le pouvoir n’use pas toujours : il dénature, il enivre, surtout quand il n’est pas contenu par une société éveillée.
C’est pourquoi AJUNA, au-delà d’une simple alliance électorale, peut être perçue comme une volonté de refonder la relation entre le citoyen et le politique. Toh Bi, Assalé — et d’autres figures comme Paul Hervé Agoubli — affirment que le silence n’est plus une option. Que l’intellectuel doit reprendre la parole, que la religion doit redevenir éthique et non servile, que la jeunesse doit s’informer avant de vénérer. La longévité d’un leader n’est pas en soi une faute. Mais le manque d’alternance, lui, est une tare démocratique. Et lorsqu’une société tout entière s’accommode de cette situation, les tyrannies deviennent collectivement produites. Non imposées par un seul homme. Vieux ou jeune.
Il ne s’agit pas de vouer les anciens à l’oubli ou à l’amertume. Mais d’assumer, ensemble, que le changement passe d’abord par la clarté morale, la désobéissance citoyenne quand elle est juste. Et une société civile debout. Il ne s’agit pas de remplacer Ouattara par Toh Bi ou Gbagbo par Assalé. L’enjeu est un peu plus complexe que cela et va au delà des personnes.
Michel Alex-Kipré





