L’histoire tragique de douze (12) présidents africains assassinés
Ils étaient chefs d’État, porteurs d’espoir pour le peuple africain. Mais leur destin a été brutalement interrompu. À travers l’histoire contemporaine de l’Afrique, douze (12) présidents ont été assassinés dans des circonstances souvent troubles, mêlant enjeux géopolitiques, tensions internes, et luttes de pouvoir. Derrière chaque nom, un drame national, une page d’histoire arrachée dans le sang, et des questions encore sans réponses. Cet article vous plonge dans ces événements tragiques qui ont marqué le continent africain et continue d’alimenter les débats sur la souveraineté, l’ingérence étrangère et la quête de stabilité politique réelle en Afrique.
1-Mouammar Kadhafi, ancien président de la République de Libye

Au pouvoir depuis plus de 41 ans, Mouammar Kadhafi fait face, en février 2011, à une contestation populaire sans précédent, dans le sillage du Printemps arabe. Le mouvement de protestation dégénère rapidement en insurrection armée, soutenue activement par plusieurs puissances occidentales, notamment à travers l’OTAN. Le pays sombre alors dans une guerre civile. En août 2011, les rebelles prennent Tripoli, forçant Kadhafi à fuir la capitale. Quelques semaines plus tard, il est capturé près de sa ville natale de Syrte. Brutalisé puis tué dans des conditions troubles, sa mort marque la fin d’un régime autoritaire et ouvre une période d’instabilité prolongée pour la Libye.
2-Thomas Sankara, ancien président de la République du Burkina Faso

Le 15 octobre 1987, alors qu’il tient une réunion au siège du Conseil national de la révolution à Ouagadougou, Thomas Sankara est abattu par un commando armé. Celui qu’on surnommait le « Che africain » trouve la mort à seulement 37 ans, victime d’un coup d’État orchestré par son compagnon de lutte et bras droit, Blaise Compaoré. L’assassinat brutal de Sankara met fin à quatre années d’un régime révolutionnaire marqué par des réformes audacieuses en faveur de l’autosuffisance, de la justice sociale et de la lutte contre la corruption. Sa disparition a laissé un vide immense dans la mémoire collective africaine, et son héritage continue d’inspirer des générations de panafricanistes à travers le continent.
3-Juvénal Habyarimana, ancien président de la République du Rwanda

Né le 8 mars 1937 au Ruanda-Urundi, Juvénal Habyarimana est un militaire devenu homme d’État. Il prend le pouvoir en 1973 à la suite d’un coup d’État et dirige le Rwanda pendant plus de vingt ans. Le 6 avril 1994, son avion, un Falcon 50, est abattu alors qu’il s’apprête à atterrir à l’aéroport de Kigali. À bord se trouvent également le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira, et plusieurs membres de leurs délégations. Aucun passager ne survit. Cet attentat marque le déclenchement immédiat du génocide des Tutsis, l’un des plus tragiques massacres du XXe siècle.
Les responsabilités exactes de l’attentat restent controversées : dès 1995, certains analystes, comme le politologue Filip Reyntjens, pointent du doigt des membres de l’Armée patriotique rwandaise (APR), dont Rose Kabuye et Kayumba Nyamwasa, alors proches du Front patriotique rwandais (FPR). Mais à ce jour, l’enquête internationale demeure inaboutie, entre tensions géopolitiques, enjeux judiciaires et silence d’État.
4-Robert Guéï, ancien président de la République de Côte d’Ivoire

Né le 16 mars 1941, le général Robert Guéï est une figure militaire influente de la Côte d’Ivoire. Il accède au pouvoir en décembre 1999 à la suite d’un coup d’État renversant le président Henri Konan Bédié, dans un climat de crise économique et sociale. Promettant une transition pacifique, il organise l’élection présidentielle d’octobre 2000, à laquelle il se présente finalement lui-même. Contesté pour sa tentative de se maintenir au pouvoir malgré sa défaite, il est rapidement écarté par une forte mobilisation populaire en faveur de Laurent Gbagbo.
Éloigné de la scène politique durant les années suivantes, Robert Guéï reste néanmoins une personnalité influente. Le 19 septembre 2002, alors que le pays est secoué par une tentative de coup d’État ayant dégénéré en rébellion armée, Robert Guéï est assassiné à Abidjan, avec son épouse Rose Guéï et plusieurs membres de son entourage. Selon les versions officielles, il aurait été tué dans des échanges de tirs, mais de nombreux éléments suggèrent un assassinat ciblé.
Son corps ne sera retrouvé que plusieurs jours plus tard, abandonné dans la rue, criblé de balles, un acte qui marque un point de bascule dans la crise politico-militaire ivoirienne. Pendant des années, les circonstances exactes de sa mort resteront floues, avant qu’un procès n’ait finalement lieu en 2017, concluant à un assassinat planifié.
5-Samuel Kanyon Doe, ancien président de la République du Liberia

Né le 6 mai 1951 à Tuzon, Samuel Kanyon Doe est un militaire libérien qui prend le pouvoir le 12 avril 1980 à la faveur d’un coup d’État sanglant contre le président William Tolbert. Il dirige d’abord le pays en tant que président du Conseil populaire de rédemption, puis devient président élu de la République en 1986. Son régime autoritaire, marqué par des accusations de corruption et de violences ethniques, suscite une forte opposition.
En pleine guerre civile, Doe est capturé le 9 septembre 1990 par les troupes du prince Johnson, un ancien allié devenu chef de faction rebelle. L’arrestation a lieu dans les locaux du chef de la force ouest-africaine ECOMOG, déployée quelques semaines plus tôt pour tenter de rétablir la paix. Samuel Doe est ensuite torturé de manière atroce : oreilles tranchées, doigts et jambes mutilés, avant d’être exécuté d’une balle dans la tête. La vidéo de son supplice, largement diffusée, choque l’opinion publique internationale. Son corps est ensuite exhibé dans les rues de Monrovia, marquant l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire récente du Liberia.
6-Laurent-Désiré Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo

Né le 27 novembre 1939 à Jadotville (aujourd’hui Likasi), Laurent-Désiré Kabila accède au pouvoir en mai 1997 après avoir renversé le maréchal Mobutu Sese Seko, mettant ainsi fin à plus de trois décennies de dictature au Zaïre, rebaptisé République démocratique du Congo. Militant révolutionnaire de longue date, son arrivée au pouvoir suscite espoir et attentes dans un pays en crise.
Mais le 16 janvier 2001, alors qu’il se trouve dans son bureau au palais de Marbre, à Kinshasa, Laurent-Désiré Kabila est assassiné par l’un de ses propres gardes du corps. L’attentat plonge le pays dans une grande confusion. Le président succombe à ses blessures peu après, malgré son évacuation vers le Zimbabwe pour y être soigné.
Les circonstances exactes et les commanditaires de son assassinat demeurent entourés de zones d’ombre. Plusieurs hypothèses évoquent des rivalités internes au sein de son entourage, des tensions régionales ou encore des intérêts étrangers. Son fils, Joseph Kabila, lui succède quelques jours plus tard, assurant la continuité du pouvoir au sein de la famille présidentielle.
7-Ahmed Abdallah, ancien président de la République des Comores

Né le 12 juin 1919, Ahmed Abdallah est une figure centrale de l’histoire politique des Comores, qu’il conduit à l’indépendance en 1975. Après avoir été renversé une première fois, il revient au pouvoir en 1978 à la faveur d’un coup d’État orchestré avec l’aide du célèbre mercenaire français Bob Denard, dont l’influence sur la vie politique comorienne devient croissante.
Le 26 novembre 1989, dans un contexte de fortes tensions entre le président Abdallah et Bob Denard — devenu de facto le véritable maître du pays par le biais de la garde présidentielle —, le chef de l’État est tué dans son bureau par une rafale de pistolet-mitrailleur. L’assassinat a lieu en présence même de Denard, ce qui alimente immédiatement les soupçons d’un coup de force. L’incident déclenche l’intervention militaire de la France (opération Azalée), qui expulse Bob Denard et son groupe de mercenaires, mettant fin à plus d’une décennie d’ingérence privée dans les affaires comoriennes.
8-Ibrahim Baré Maïnassara, ancien président de la République du Niger

Né le 9 mai 1949, le général Ibrahim Baré Maïnassara prend le pouvoir au Niger par un coup d’État en janvier 1996, renversant le président Mahamane Ousmane dans un contexte de crise politique. Il instaure rapidement un régime autoritaire, fait modifier la Constitution, et remporte une élection présidentielle controversée la même année, entachée d’irrégularités.
Trois ans plus tard, le 9 avril 1999, il est lui-même victime d’un coup d’État. Alors qu’il se rend à l’aéroport de Niamey, il est abattu par des éléments de sa propre garde présidentielle, dans des circonstances encore floues. Ce vendredi-là, le président tombe sous les balles de ceux-là mêmes qui étaient censés assurer sa sécurité. L’attentat marque un nouveau tournant dans la vie politique nigérienne, replongeant le pays dans l’incertitude. Un régime de transition est rapidement mis en place, sous la direction du commandant Daouda Malam Wanké, qui organise des élections démocratiques dans les mois qui suivent.
9-Melchior Ndadaye, ancien président de la République du Burundi

Né le 28 mars 1953, Melchior Ndadaye entre dans l’histoire du Burundi en devenant, en juin 1993, le premier président élu démocratiquement lors des premières élections multipartites du pays — et surtout, le premier chef d’État issu de la majorité hutu dans un pays longtemps dominé par l’élite tutsie.
Porté au pouvoir avec l’espoir de réconcilier les communautés burundaises et de construire un État plus équitable, Ndadaye n’aura malheureusement que quelques mois pour mettre en œuvre ses réformes. Le 21 octobre 1993, il est arrêté puis assassiné par des éléments de l’armée, majoritairement tutsie, lors d’un coup d’État sanglant.
Sa mort plonge le Burundi dans une spirale de violences interethniques : des massacres de Tutsis par des milices hutus suivent immédiatement l’attentat, déclenchant à leur tour une répression brutale. Ce cycle infernal marque le début d’une guerre civile qui durera plus de douze ans, faisant des centaines de milliers de victimes et laissant le pays profondément meurtri.
10-Cyprien Ntaryamira, ancien président de la République du Burundi

Cyprien Ntaryamira, président du Burundi, trouve la mort le 6 avril 1994 dans un attentat tragique qui bouleverse la région des Grands Lacs. Ce jour-là, il accompagne son homologue rwandais, Juvénal Habyarimana, à bord du Falcon 50 présidentiel en approche de l’aéroport de Kigali, au retour d’un sommet régional en Tanzanie.
L’avion est abattu par deux missiles sol-air alors qu’il s’apprête à atterrir. Aucun des passagers ne survit. La mort soudaine de Cyprien Ntaryamira, à peine deux mois après son investiture, plonge le Burundi dans une grande instabilité. Cet attentat, qui coûte également la vie au président rwandais, marque le déclenchement immédiat du génocide des Tutsis au Rwanda.
Bien que Cyprien Ntaryamira ait été victime collatérale d’un acte ciblant principalement Habyarimana, sa disparition brutale rappelle la fragilité des transitions démocratiques dans une région minée par les tensions ethniques et politiques.
11-Sylvanus Olympio, ancien président de la République du Togo

Né le 6 septembre 1902, Sylvanus Olympio devient, après l’indépendance du Togo en 1960, le premier président élu du pays. Figure emblématique du panafricanisme modéré et artisan de la souveraineté togolaise, il incarne l’espoir d’un développement fondé sur l’austérité budgétaire et l’émancipation économique vis-à-vis des anciennes puissances coloniales.
Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963, alors que des tensions politiques et sociales secouent le jeune État, Olympio est visé par un coup d’État militaire. Vers 23 heures, un commando de six hommes attaque son domicile. Pourchassé, le président tente de se réfugier à l’ambassade des États-Unis à Lomé. Il est retrouvé et abattu aux environs de 7h15 du matin, devant les grilles de la chancellerie. Ce coup d’État, considéré comme le premier en Afrique francophone post-indépendance, ouvre une ère d’instabilité dans le pays.
Le pouvoir est rapidement transféré à Nicolas Grunitzky, un ancien opposant politique, qui sera lui-même renversé en 1967 par un autre coup d’État dirigé par le sergent Gnassingbé Eyadéma, futur président du Togo durant près de quatre décennies. En 2011, un témoignage d’un officier de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) affirme qu’un soldat français surnommé “PAUC” aurait tiré sur Olympio — une information relayée par RFI —, mais à ce jour, les véritables commanditaires de l’assassinat restent officiellement non identifiés.
12-João Bernardo Vieira, ancien président de la République de Guinée-Bissau

Né le 27 avril 1939, João Bernardo “Nino” Vieira est une figure majeure de l’histoire politique de la Guinée-Bissau. Chef de la lutte indépendantiste contre le Portugal, il devient président en 1980 après un coup d’État, dirigeant le pays pendant près de deux décennies jusqu’à sa chute en 1999, à la suite d’une guerre civile. Après plusieurs années d’exil, il fait un retour politique remarqué en remportant l’élection présidentielle du 24 juillet 2005.
Mais son second mandat est marqué par des tensions croissantes avec l’armée, notamment avec le chef d’état-major, le général Batista Tagme Na Waie. Le 1er mars 2009, ce dernier est tué dans un attentat à la bombe au quartier général des forces armées. Quelques heures plus tard, dans la nuit du 1er au 2 mars, des soldats proches de Tagme prennent d’assaut la résidence présidentielle. João Bernardo Vieira est brutalement assassiné à son domicile.
Les circonstances exactes de sa mort demeurent entourées de mystère, mais tout indique un acte de représailles. Cet événement illustre l’extrême fragilité des institutions bissau-guinéennes et le poids de l’armée dans la vie politique du pays.
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